La Queen Parisienne : Vanina Chupa

Je vous propose l’interview de Vanina Chupa, l’une des plus anciennes DragQueens française avec plus de 25 ans de carrière déjà. Comment vous dire que cela me fait toujours énormément plaisir quand une telle artiste, qui n’a plus rien a prouver, accepte ma requête d’interview. J’espère que si vous ne la connaissez pas encore, cela vous donnera envie de découvrir son travail.

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Peux-tu revenir pour nous un peu sur comment tu as découvert l’art du DragQueen ?

En débarquant de ma province. En 94, on ne pouvait croiser des Dragqueens qu’à Paris. C’est au Queen à l’occasion d’une soirée de Suzanne Bartsch, la prêtresse des Nuits New-Yorkaises que j’ai découvert l’Art du Drag. Mais je dois l’avouer, même si j’étais en admiration pour ces créatures, je n’imaginais pas une seconde que quelques mois plus tard, je deviendrai moi aussi drag queen.

Qu’est-ce qui t’a plu là-dedans ?

J’ai découvert avec le Drag une vision artistique différente, transgressive. Il y avait chez les Drags une telle assurance, une telle désinvolture, un petit côté punk qui m’a tout de suite séduit. Sous le maquillage, il se passe tellement de choses : tu te retrouves tout à coup connecté avec des parties secrètes de ta propre personnalité. J’avais besoin de dire merde au conformisme, aux idées bien-pensantes, besoin d’étaler ma liberté aux yeux de tous.

J’ai senti que cela pouvait véritablement m’aider à m’épanouir aussi bien artistiquement que personnellement. De nature très timide, j’ai découvert une facette de ma personnalité pleine de vie, d’humour et de défis à relever. Il ne faut pas oublier aussi qu’à l’époque, le Sida frappait lourdement la communauté gay. Les Drags pour moi, étaient un hymne à la vie, à l’amour, elles permettaient de remettre un peu de fous rires au milieu de cette tragédie. C’était exactement fait pour moi !

Tu te souviens de ta première fois en Drag ?

Oui très précisément. Ma première fois, c’était au Banana Café, dirigé à l’époque par le grand Tony Gomez. Un mec m’avait maquillé pour déconner et parce que cela m’intriguait. Lorsque je suis arrivé, tout s’est fait naturellement. Fuck la timidité ! En quelques secondes j’étais devenu Vanina et Dragqueen sans même savoir en quoi cela consistait. Le Drag, c’était tellement naturel chez moi. J’ai fait tout bonnement le show comme si j’avais déjà 20 ans de métier. Tony Gomez est venu me voir pour me demander ce que je faisais le lendemain : « J’ai répondu rien », alors il a dit « viens bosser pour moi demain ». Je lui ai demandé ce que j’aurai à faire, à cela il a rétorqué : « Foutre le bordel comme aujourd’hui, t’amuser et boire ». J’ai signé tout de suite.

illustration interview DragQueen vanina chupa sur www.dragqueens.fr

Pour nous parler de Vanina, comment la présenterais-tu en quelques mots ?

À une époque, j’aimais dire que j’étais le croisement improbable entre Bozo, le clown et Elizabeth Taylor. Aujourd’hui, j’aime autant me décrire comme un artiste farfelu qui ne laisse personne lui dire ce qu’il a à faire. On dit de moi que j’ai une grande gueule et un sens de la répartie imparable. Mais je ne pense pas que ce soit cela qui me caractérise le plus : je pense être avant toute chose bienveillant envers les gens. Même lorsque je balance des horreurs, les gens savent que je n’en pense pas un mot ! C’est le jeu même lorsque je flirte avec l’humour noir. Je ne fais pas dans la demi-mesure : je suis franc, authentique mais ce qui m’importe le plus c’est le plaisir que prennent les gens qui me découvrent.

Ton pseudo a une histoire particulière si je ne m’abuse, peux-tu nous l’expliquer ?

Je ne dirai pas une histoire particulière : Lors de ma première soirée en drag au Banana café, je suis arrivé devant la porte sans nom, j’ai entendu la chanson de Dave « Vanina » alors que j’étais dans le SAS. Comme j’étais fan de ce prénom d’origine corse, j’ai décidé que ce serait mon pseudo ! Quelques mois plus tard, j’ai pensé à en changer mais il était déjà trop tard ! Tout le monde me connaissait sous le prénom de Vanina à cause de plusieurs émissions de télé dans lesquelles je suis passé.

Tu fais du Drag depuis plus de 25 ans maintenant, est-ce que ton personnage a évolué dans son caractère ou dans sa manière de produire ?

Sincèrement, je pense que rien n’a changé depuis le premier jour sauf le temps de préparation et désormais je peux me maquiller dans un train, une voiture lancée sur l’autoroute à 130 ou une cave d’1 m2. J’ai presque tout expérimenté. J’ai fait tellement de shows dans ma vie que j’ai eu le droit à tout. Je suis rodé à l’exercice et pourtant j’ai toujours autant le trac avant une presta, parce que je suis très exigeant vis-à-vis de moi, je veux qu’on me découvre dans mes meilleures prédispositions.

Les gens ont besoin de se vider la tête (parfois plus pour certains lol) et c’est de ma responsabilité de leur donner ce qu’ils sont venus chercher. Quand tu es considéré comme une Comedy queen, tu as la pression ! Tu ne sais pas à l’avance si tu seras drôle ou non ! Et ça, ça me stresse ! Je ne veux surtout pas que les gens se disent aujourd’hui Vanina n’était pas en forme. C’est mon défi permanent d’être toujours à mon meilleur niveau.

illustration interview DragQueen vanina chupa sur www.dragqueens.fr

As-tu déjà ressenti un peu de lassitude ou l’envie d’arrêter ?

Je dirai plutôt l’envie d’expérimenter d’autres univers artistiques, d’autres choses mais je n’ai jamais ressenti de lassitude. Sinon, j’aurai arrêté depuis un bail : je m’amuse toujours autant. Il n’y a pas une soirée qui se ressemble. La seule chose qui pourrait me donner envie d’arrêter, c’est ma vie de famille. Laisser mon époux seul, tous les week-ends, ça m’emmerde mais bon, je ne peux pas non plus lui imposer de me suivre partout. Il a sa vie pro et j’ai la mienne. C’est déjà un miracle qu’il accepte cette vie de dragqueen alors que ça ne l’intéresse pas. Le jour où j’arrêterai le Drag, je pense que ça fera un heureux !

Du moins plusieurs : il ne faut pas oublier toutes les Drags qui attendent en bas du podium le moment où je vais faire mes adieux avec ce regard qui signifie « Bon débarras » lol. J’en ai rencontré des tas durant ma carrière : et force est de constater que ce ne sont pas elles qui m’ont enterré, mais plutôt moi qui leur ai dits « Adios » lol

Question très dure mais si tu devais retenir un ou deux grands souvenirs de ta carrière, lesquels seraient-ils ?

26 ans de carrière ! C’est trop difficile de ne retenir que 2 grands souvenirs. Disons que je vais faire un pêle-mêle : Danser devant 7000 personnes à Bercy Omnisport lors d’une soirée officielle de Gay Pride à l’époque, mes tournées au Japon (presque tous les ans), en Russie (bien avant les lois anti-lgbt), en Turquie (avant l’arrivée d’Erdogan), mes différents tournages (dans les clips de Fatal Bazooka, Les Bleus, je vais te manquer….), et le millier de soirées que j’ai animées. Attention il n’y a pas que d’excellents souvenirs, il y en a eu aussi des horribles : on m’a tiré dessus dans la rue à Paris, on m’a donné un coup de couteau en sortant du Banana pour ne citer que ces deux-là.

illustration interview DragQueen vanina chupa sur www.dragqueens.fr

Tu es une habituée des soirées Parisiennes, quel est ton regard sur la scène Drag dans la Capitale ?

J’habite à Paris mais on ne peut pas dire que je sois une habituée des nuits parisiennes. Ca n’empêche que je me tiens au courant et je suis les événements sur les réseaux. Mon regard sur la scène Drag est un peu mitigé. J’adore l’idée que l’art Drag se développe. Je reconnais qu’il y a énormément de talents parmi ces nouveaux artistes. Ce qui me dérange un peu plus, c’est que tout le monde a les yeux rivés sur Rupaul’s Drag Race et les Drags américaines. Tout le monde aimerait transposer ce qui se passe aux États-Unis ici en France alors que la France ne sera jamais les States ! Ça fait 26 ans qu’on compare le milieu Drag français avec les américaines, australiennes, et anglaises. Sauf qu’il y a peu de similitudes à mon sens ! Les pépettes sont là-bas et les bonnes idées sont ici lol

As-tu constaté des changements depuis toutes ces années ? Qu’ils soient positifs ou négatifs.

Le plus gros changement que j’ai remarqué, c’est l’apparition des soirées Concours ou scènes ouvertes. À notre époque, jamais on ne serait monté sur une scène sans être payé (« I don’t work for free »). C’était une règle de base que l’on s’appliquait presque tous.tes à respecter ! L’Art du Drag coûte un bras, tout le monde le sait, pourtant nous en vivions quasiment tous.tes. Aujourd’hui, c’est une passion (ce n’est pas négatif loin de là), hier, c’était un métier passion !

Je trouve que c’est dommage que cela se perde. Car le talent des artistes est réel et je trouve dommage qu’ils (elles) aient à bosser ailleurs pour subvenir à leurs besoins. Un autre truc me perturbe : pourquoi les jeunes Drags nient l’existence des anciennes comme si nous n’avions jamais existé ? Si nous n’avions pas ouvert la route de la tolérance LGBT il y a plus 30 ans, elles ne seraient peut-être là où elles sont. Au lieu de me nier, je les invite à découvrir mon univers et à venir me parler : je ne mords pas lol (@chupavanina sur instagram)

illustration interview DragQueen vanina chupa sur www.dragqueens.fr

Tu aimes aussi te produire en Province, tu es assez présente au Mans, est-ce que l’ambiance est très différente ?

Depuis mes débuts, j’ai toujours été présent partout en province et à l’étranger. Parce que la fête n’est pas l’apanage des parisiens. Il y a en Province énormément de bienveillance, et beaucoup de fidélité de la part des professionnels de la nuit comme les patrons de bar et de boites. J’y suis toujours accueilli avec beaucoup de respect et c’est réciproque ! En Province, on ne se prend pas autant la tête qu’à Paris, les gens y sont souvent plus authentiques.

Même s’il y a aussi des princesses qui pètent plus haut que leurs culs en province, c’est toujours bien moins cruel qu’à Paris, où tu dois parfois jusqu’à surveiller tes arrières quand tu descends les escaliers dans un club. J’ai déjà vu des Drags volantes au Queen lol. Quand je suis au Babylone au Mans, je sais que je vais passer une bonne soirée, rencontrer des gens sympas, écouter de la bonne musique. C’est tout ce qui compte au fond : n’est-ce pas pour ça que l’on va en club ?

Pour terminer, as-tu des projets pour Vanina dont tu aimerais parler ou passer un petit mot aux lecteurs ?

J’ai toujours énormément de projets mais pas forcément pour Vanina. Je ne sais pas m’arrêter. Comme, je suis un artiste dans l’âme, j’ai donc la tête constamment en fusion. Et je prépare énormément de choses « out of drag » que je ne révèle pas. J’ai toujours eu deux vies parallèles, et je ne souhaite pas qu’elles se télescopent. Elles ne sont tous bonnement pas compatibles. Et comme je n’ai pas envie de choisir entre l’une ou l’autre, j’entretiens le mystère. Pas facile de mettre du contenu sur les réseaux sociaux quand tu ne peux pas montrer ton visage lol.

Pour ce qui est du petit message, je dirai aux Baby Drags et aux autres de prendre du plaisir. De ne pas écouter les conseils de personnes qui croient tout savoir parce qu’ils ont vu deux épisodes de Rupaul’s Drag Race. Mais aussi de ne pas trop se prendre au sérieux ! Le jour où nous serons Madonna, Tina Turner, Michèle Obama ou Meryl Streep, nous en reparlerons lol. La vie et ses aléas sauront nous rappeler en tant voulus que nous ne sommes que de petites choses !

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Merci encore à Vanina Chupa pour sa gentillesse et sa disponibilité. C’était un peu frustrant pour elle comme pour moi de ne pas en dire encore plus sur son parcours. Mais cela sera peut-être pour une autre fois ou un projet parallèle, qui sait :). Vous pouvez toujours la suivre sur son Instagram.

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