L’invité en interview : Jean-Luc Romero
Jean-Luc Romero, homme politique, auteur ou encore Président d’association est mon invité en interview aujourd’hui. Je ne pensais pas en lui proposant l’interview qu’il accepterait aussi vite et avec autant d’enthousiasme je l’en remercie.
C’est l’occasion d’évoquer avec lui son livre « Plus vivant que jamais ! » dédié à Christophe son mari décédé, et des sujets comme le Chemsex et le droit de mourir dans la dignité.
J’espère que vous trouverez, comme moi, cette interview intéressante.
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Pour débuter, pouvez-vous nous dire quel est votre rapport avec l’univers du Drag ?
Enfant, comme beaucoup, j’avais été frappé par la chanson de Charles Aznavour, « Comme ils disent », qui évoquait un transformiste. Le deuxième choc a été pour moi « La cage aux folles », que certains avaient trouvé caricatural. Moi j’avais trouvé ça très fort et très émouvant. Tout cet univers paillettes, je trouvais ça fascinant. J’ai découvert ensuite le monde des discothèques avec ses créatures de la nuit, on ne les appelait pas Drag Queens à l’époque, et cela m’a toujours suivi. Je suis aussi depuis 3 ans membre du jury de Miss Queen International qui a lieu à Pattaya, organisé par Tiffany’s. C’est le plus grand concours international de Transgenres.
Vous avez déjà eu l’occasion d’assister à des spectacles ?
À Paris, je n’ai pas beaucoup de temps, même si mon meilleur ami est le patron du Banana Café et que je suis très ami avec Stella Rocha. C’était elle l’animatrice de mon mariage d’ailleurs. Quand on pouvait voyager normalement, j’allais beaucoup en Thaïlande et là-bas je vais plusieurs fois pendant mes séjours voir des spectacles. C’est une institution là-bas.
Vous avez publié il y a quelques mois Plus vivant que jamais !. Au début vous écrivez que c’était censé être une lettre. Quel a été le moment ou, finalement, vous avez eu envie de la partager au plus grand nombre ?
Au début la douleur était tellement violente que Valérie Trierweiler m’avait dit « toi qui aime écrire, vas-y tu vas voir ça va t’aider ». Plusieurs mois plus tard je lui ai montré, et elle pensait que je devrais le publier. De toute manière, de mon côté, j’avais l’intention de dire de quoi était mort Christophe comme il y avait une enquête et un procès. Les éditeurs étaient d’accord, et je trouvais que c’était le meilleur moyen de dire ce qui s’était passé. Car dans une interview c’est parfois très court ou cela peut être déformé.
Je ne regrette pas du tout ce choix car d’une part, ça a résonné chez beaucoup de personnes qui ont connu une perte brutale comme la mienne, et je voulais aussi parler du chemsex. Aujourd’hui c’est toujours un sujet assez tabou chez les pouvoirs public et dans la communauté gay. Je ne juge pas, mais il faut en parler car il n’y aucune information là-dessus.
Malgré le sujet, on sent beaucoup d’amour et surtout d’espoir dans ce livre. Vous conseilleriez au gens qui subissent un deuil d’écrire pour les aider à aller un peu de l’avant ?
Tout le monde peut écrire oui. Pas obligé de publier, mais écrire oui, tout le monde sait le faire. S’il y a beaucoup d’espoir, c’est grâce à une personne car quand j’ai commencé à écrire j’étais dans un désespoir total. J’ai rencontré 1 mois après une dame âgée qui m’a dit « vous avez tout de même une chance extraordinaire, vous avez connu l’amour, moi jamais ». Avec le recul cette phrase m’a aidé, et cela m’a fait changer mon écriture. J’ai eu envie de me rappeler des bons souvenirs au lieu que ce soit juste une histoire dense de deuil. Je ne dis pas qu’en écrivant certains passages cela n’a pas été dur, et que je n’ai pas pleuré. Mais cela m’a fait un bien fou. On peut conseiller à tout le monde de se libérer sur le papier qu’on ait l’habitude ou non, c’est une très bonne thérapie.
Il y a eu quelques retours négatifs sur le fait qu’il ait trop de name-dropping ou d’évocations de lieux. Cela vous a affecté ?
Je me suis focalisé sur tous les messages bienveillants, et sur les retours pour me dire que j’ai été utile aux gens. Des personnes me racontaient leurs histoires, des parents me parlaient de leurs enfants morts du chemsex. Après on ne peut pas plaire à tout le monde. Vous savez quand vous racontez les meilleurs moments de votre vie, vous donnez des détails. J’ai parlé de notre voyage de noces etc, oui désolé on ne l’a pas fait dans un Ibis. Je n’allais pas inventer des lieux qui n’existent pas, donc je ne regrette vraiment pas.
Ce qui me fait mal ce sont certains messages sur notre histoire d’amour ou notre différence d’âge etc. Même quand vous avez l’habitude un peu de ça en politique, on ne s’habitue jamais à la méchanceté sur les réseaux sociaux. Il y a le pire et le meilleur là-dessus. Je n’ai vraiment retenu que le meilleur, qui m’a fait beaucoup de bien.
Est-ce qu’il y a des actions menées ou une avancée sur le manque d’information que vous évoquez à propos du chemsex ?
Je suis adjoint à la Maire de Paris, en charge des discriminations des droits humains et de l’intégration, je n’ai pas la santé. Mais on s’est engagé dans une campagne car il n’y aujourd’hui aucune campagne d’état, exception des associations comme AIDES, ni aucune information. J’ai eu là aussi beaucoup de témoignages de gens qui ne savaient pas les interactions entre certaines drogues. Certains ne savaient pas non plus qu’il ne fallait pas prendre d’alcool avec les médicaments. Anne Hidalgo s’est engagée à faire des campagnes de prévention là-dessous, et on y travaille avec l’adjointe à la santé pour créer un calendrier.
C’est un peu au ralenti avec le travail sur la gestion de la COVID mais on voit un peu des perspectives. Nous allons réunir tous les acteurs possibles car la situation est vraiment dramatique. Encore une fois ce sera pour informer. À aucun moment je ne suis dans le jugement, car tout le monde a des addictions dans lequel on compense des manques. Et si on moralise la santé publique ça ne fonctionne pas.
Vous êtes aussi le Président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD). Pouvez-vous nous dire deux mots sur cette association ?
C’est une association créée dans les années 80, et qui a pour but de permettre aux gens d’être respectés dans le choix de leur fin de vie. Si la personne veut vivre le plus longtemps possible, même dans la souffrance, qu’elle soit respectée. Par contre, si elle n’en peut plus, qu’elle puisse partir comme elle le souhaite. Soit avec des soins palliatifs s’il y en a, soit de partir par ce que j’appelle un geste d’amour, à savoir l’euthanasie ou un suicide assisté. C’est mettre la personne en fin de vie au centre des décisions. On ne choisit pas notre naissance, mais on peut choisir la manière et les conditions de notre fin de vie. Aujourd’hui c’est extrêmement compliqué car on n’entend pas ces personnes dans un pays qui proclame les Droits de l’Homme. Cette association milite au quotidien pour cette décision importante, car rien ne vous force à souffrir.
Est-ce qu’il y a eu des avancées à ce sujet ?
Il y a tout de même eu des avancées. Essentiellement d’abord pour les médecins avec les trois lois Léonétti qui leur donnent plus de droits, et surtout les protègent car il le fallait. Mais on ne s’attaque jamais à donner des droits à la personne en fin de vie. On avance doucement avec les directives anticipées, et on progresse dans le discours mais il n’y a aucun moyen mis en place. On met plein d’argent sur le début de la vie, et loin de moi l’idée qu’on revienne en arrière là-dessus, mais pour la fin de vie, il n’y a rien à la hauteur.
J’ai vu sur le site que les Français sont majoritairement pour ce droit, c’est bien cela ?
Oui. Les sondages sont constants depuis longtemps, et sont même très forts. On est aujourd’hui à 96% des Français qui seraient pour une loi pour légaliser le suicide assisté et l’euthanasie. Cette frilosité des politiques n’a aucun sens, aucune question de société n’apporte une telle unanimité.
Vous évoquiez les directives anticipées. Pour en dire plus, peuvent-elles être contestées par la famille ou le corps médical ?
Par l’entourage non, et heureusement. La seule chose est qu’elles sont « contraignantes mais pas opposables ». Cela veut dire que les médecins sont obligés de les regarder, mais ils peuvent estimer qu’elles sont manifestement inappropriées. Ce qui ne veut absolument rien dire en droit, mais qui donne aux médecins un pouvoir énorme. Dans les autres pays, les médecins doivent les respecter obligatoirement, mais chez nous il y a toujours cette possibilité. Et cela dépendra de l’opinion et du point de vue du médecin là-dessus et c’est un vrai problème. On confie toutes les lois et les travaux là-dessus à des médecins sans jamais prendre cette question du point de vue des patients et de l’éthique.
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Merci encore à Jean-Luc Romero pour sa disponibilité et ses éclairages sur ces sujets importants.
Son livre Plus vivant que jamais ! paru conjointement chez Michalon et Massot éditions est toujours disponible partout. N’hésitez pas à vous le procurer.
Concernant le Droit à la fin de vie, vous pouvez trouver toutes les informations possibles si cela vous intéresse sur le site de l’association ADMD.
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