Lara FullCamp, la Drag Campy

Lara FullCamp, Drag Queen souriante, colorée, et pleine d’énergie, est mon invitée aujourd’hui.

Comment a-t-elle créé son personnage et son pseudonyme ? Pourquoi est-elle dans l’univers du burlesque ? Découvrez ses réponses à cela et bien d’autres questions encore.

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Pour débuter, peux-tu nous dire de quelle manière tu as découvert l’art du Drag ?

C’était à l’âge de 18 ans, lorsque j’ai fait mes études universitaires à Bruxelles. J’ai commencé à sortir dans des établissements gays et j’ai découvert les spectacles transformistes. Très vite, j’ai sympathisé avec plusieurs artistes et j’ai commencé à les suivre de bars en bars.

Qu’est-ce qui t’a plu là-dedans ?

J’ai directement été attiré par les artistes burlesques. J’aimais l’humour, toujours à la limite du politiquement correct. J’aimais aussi les prises de parole de certains artistes qui faisaient déjà à l’époque du Stand-up au début ou à la fin de leurs shows. Ça envoyait du lourd !

En faire soi-même c’est autre chose. Est-ce qu’une personne ou un événement t’as aidé à franchir le pas ?

Mon parcours sur scène a commencé en tant que chanteur. J’allais régulièrement dans un bar gay qui faisait des soirées karaoké, et j’avais l’habitude de chanter quelques chansons dans ce cadre. Un jour, un artiste transformiste, Rubis, m’a entendu chanter, et est venu me parler et m’a proposé de monter sur scène avec lui. À l’époque, j’étais très timide et le fait d’être sur une scène me tétanisait. Rubis m’a appris les rudiments du métier, il a été ma marraine de scène. Il nous a malheureusement quittés il y a quelques années.

Quelques années plus tard, j’ai fait la connaissance d’un autre artiste, LaDiva Live. Nous avons très vite sympathisé, et nous sommes devenus des amis proches. Il chantait dans un bar gay à Bruxelles, et il a eu l’idée de faire un show live avec moi, mais maquillé. J’ai relevé le défi et ce « juste pour une fois » dure depuis plus de 10 ans maintenant ! On peut dire que cet artiste a été ma 2ème marraine de scène.

lara fullcamp interview dragqueens.fr

Tu te souviens de cette première fois en Drag ? As-tu une anecdote à nous raconter ?

Ce premier show en Drag avec LaDiva Live était une chouette expérience. Pour l’occasion, un artiste m’avait maquillé et plusieurs personnes du public ont halluciné de me voir ainsi. On m’a dit que j’avais un petit air de Bette Midler. Le patron du bar voyant que ma prestation plaisait m’a proposé de continuer, et m’a proposé des dates de spectacle. J’ai eu quelques semaines pour me préparer.

L’avantage que j’ai eu est que je connaissais déjà bien la scène, car je m’y produisais depuis presque 10 ans en tant que chanteur. J’avais donc l’habitude, mais je devais construire mon personnage Drag en parallèle de mon personnage de chanteur masculin. Pendant plusieurs années, j’avais des contrats en tant que chanteur et d’autres en tant que Drag. Très vite, j’ai dû travailler mon personnage Drag pour que les 2 « moi » soient différents.

Pour parler de Lara FullCamp, comment la présenterais-tu en quelques mots ?

Mes spectacles s’inscrivent dans la lignée des « Burlesque Comedy Shows » du début du 20 ème siècle. Je campe un personnage burlesque, et j’utilise principalement le langage corporel (grimaces, gestes brusques, mouvements décalés). Mes performances, je les vois comme une forme de liberté d’expression. Je m’autorise à rire et à me moquer de tout, ou presque, je ne suis pas non plus dans la provocation ni dans le vulgaire. J’aime me balader à la frontière du politiquement correct/incorrect. Aller le plus loin possible sans dépasser la ligne rouge.

Ce que j’espère vraiment lorsque des personnes viennent me voir c’est qu’ils oublient l’identité de genre. Qu’ils se laissent porter par l’humour sans se poser des questions du type « Est-ce un homme ou une femme ? Est-il gay ? ». Le principal objectif est le partage d’un moment, un partage d’émotions, de rires, un lâché prise. J’aimerais que les personnes qui viennent me voir oublient leurs soucis du quotidien le temps d’une soirée.

J’ai une petite anecdote d’il y a quelques années : à l’époque, j’étais le responsable d’un centre pour personnes âgées et j’organisais diverses activités pour ce public. Un jour, j’avais organisé un après-midi avec un spectacle Cabaret. Il y avait 2 Drags, 1 chanteuse et 1 chanteur. À la fin du spectacle une dame qui avait plus de 80 ans est venu me voir pour me remercier de l’après-midi et m’a dit que grâce à moi, elle passait une belle vieillesse. Ces mots résonnent encore en moi, et c’est mon moteur du quotidien. C’est cela qui me motive.

Est-elle très différente de toi dans la vie civile ou non ?

Lara FullCamp est une partie de moi. Mais dans la vie de tous les jours, je suis quelqu’un de plus posé, plus calme et réservé. J’ai un autre travail dans l’administration, un travail très sérieux où je suis responsable d’une équipe d’une dizaine de personnes. Lara FullCamp est l’équilibre nécessaire à ma vie, mon échappatoire, mon moment de folie, de lâché prise. Quand je suis sur scène, je me sens plus libre, je me sens en vie !

lara fullcamp interview dragqueens.fr

Ton pseudonyme a-t-il une histoire ou une signification pour toi ?

Lorsqu’on a eu l’idée de ce premier show avec la Diva Live, on a dû réfléchir ensemble à un nom de scène. Lors de ce show on avait convenu qu’on allait faire une parodie de 2 grandes chanteuses : la diva Live allait parodier Céline Dion et moi, Lara Fabian (dont je suis fan depuis ses débuts). Il fallait donc trouver un nom de scène parodique de Lara Fabian. On a essayé plusieurs combinaisons : Lara T, Lara Clette, Lara Vagée, Lara Tiboisée, Lara Massette… C’était marrant, mais on n’était pas satisfait et un moment, LaDiva Live a trouvé : Lara Fout-le-Camp, ça sonnait bien et ça correspondait parfaitement à ce que je voulais montrer, ce côté exagéré. Par la suite, nous avons modifié la façon de l’écrire pour en faire un nom plus international : Lara FullCamp.

« Camp » fait référence au mouvement « Camp » qui est une expression spécifique du monde LGBTQI+ qui se moque ou s’amuse des conventions hétéronormées. Le « Camp » est une sortie d’exutoire où l’on pousse à la dérision les questions de genre ou de sexualité. Les normes sont malmenées et la liberté d’être qui nous souhaitons être est au premier plan. Il y a également dans le « Camp » une forme d’auto-dérision des LGBTQI+ où l’on pousse à la dérision l’homophobie ambiante de nos sociétés patriarcales.

Il y a pour moi une dimension comique et théâtrale de ce mouvement.

Tu m’as dit avoir été attiré par les artistes Burlesques. C’était donc une évidence pour toi de partir dans cette forme de Drag ?

Oui, c’était une réelle volonté de ma part de partir dans cet univers burlesque et décalé. C’était dans ce mouvement que je me sentais le mieux. Les artistes que j’admirais le plus faisaient partie de cet univers et c’est vraiment ça que je voulais faire.

Comment trouves-tu l’inspiration pour tes numéros ? Et combien de temps les travailles-tu en général avant de les présenter ?

Mon inspiration vient essentiellement du mouvement « Camp ». Dans certains montages que je réalise, j’essaie d’y intégrer une touche de comédie de situation avec des dialogues repris de la culture « Camp » (La Cage aux Folles, Absolutely Fabulous, Le Cœur a ses raisons…).

J’essaie au maximum que mes numéros soient compris et accessibles à tout le monde, que ce soit universel, tout du moins international. Il n’y a pratiquement pas de barrière de la langue ; un français, un américain ou un islandais sont à même de comprendre la plupart de mes numéros.

Entre l’idée générale d’un numéro et le résultat final présenté sur une scène, il se passe généralement plusieurs mois. C’est un long processus de création.

D’abord, je trouve l’idée générale, puis je cherche ce qui va composer le numéro (les références, les musiques, les paroles…). Je mets sur papier le montage, et puis je crée un premier assemblage. Ensuite, je travaille le rythme qui est la chose la plus importante car c’est ça qui va tenir en haleine le spectateur. Je travaille par essais-erreurs : j’élabore un premier montage, je l’essaye, je le remanie… Il arrive très souvent que j’ai entre 5 et 10 montages différents. Je les écoute, je choisis celui qui est le plus abouti et puis je l’apprends. Le travail du play-back est très important pour moi car il donne de la crédibilité au numéro. Si on entend une respiration, on doit la voir sur scène.

Lorsque je me sens prêt, alors je le présente sur scène. Lors des premiers passages, je suis très attentif à la façon dont ce numéro et reçu par le public. Il m’arrive très souvent de retravailler encore le numéro après l’avoir présenté à un public. Tout doit être parfait ! C’est mon côté exigeant envers moi-même, qui parfois est un peu chiant !

lara fullcamp interview dragqueens.fr

Tu as pu te produire sur de nombreuses scènes d’Europe. Est-ce qu’il y a une scène, festival ou autre qui a ta préférence ? Que ce soit pour le public, l’accueil ou que sais-je.

J’ai eu la chance de me produire sur des scènes fort différentes, du petit bar à la grande salle de spectacle. J’ai même fait une petite apparition à Forest National qui est l’équivalent de l’Accor Arena à Paris devant plus de 4000 personnes. Mais au fond, ce qui est le plus important pour moi est de me sentir bien. Je suis très sensible aux énergies et à l’accueil que l’on me fait.

J’ai tendance à préférer des endroits où il y a une réelle proximité avec le public.

Depuis un peu plus d’un an, je suis l’un des actionnaires d’un cabaret parisien, le Diva’s Kabaret. C’est un lieu d’exception car il est situé dans des vieilles caves voûtées. La salle a une capacité d’environ 50 personnes et l’ambiance y est fort chaleureuse. Je m’y sens vraiment bien car nous avons la chance d’avoir un public très diversifié : français, belges, suisses, luxembourgeois, américains, anglais. Nous avons aussi bien des LGBTQI+ que des hétéros.

Lorsque je performe dans un lieu, j’aime avoir un public diversifié. Voir qu’un couple d’hétéros, assis à côté d’un couple gay et d’une personne transsexuelle échangent une conversation, rient et trinquent ensemble me ravis.

En ce moment c’est calme mais as-tu des projets que tu aimerais évoquer ?

Cette crise sanitaire, je ne la vis pas très bien. Tout d’abord, en termes de créativité, je n’arrive pas à créer, j’ai un blocage. Je pense que j’ai besoin de me sentir libre pour pouvoir imaginer de nouvelles choses. Et ce n’est clairement pas le cas en ce moment.

Ensuite, mon équilibre est malmené. Nous, artistes, nous avons la double peine : nous subissons comme le reste de la population les mesures de restriction mais nous avons également le manque de la scène. C’est là qu’on se sent vivant, c’est là que nous nous exprimons. On nous a enlevé cela et, personnellement, j’ai plutôt du mal à le vivre.

Nous avons quelques projets avec le Diva’s Kabaret mais je ne peux encore en parler. J’ai également d’autres projets artistiques que je souhaite tenir également secret pour le moment.

Pour finir je te laisse le mot de la fin si tu veux en profiter.

Vivement que cette période compliquée se termine et que l’on puisse se retrouver avec le public. Et comme la toujours dit ma marraine de scène, Rubis, qui me manque énormément, « Mais quelle belle fête ! »

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Merci encore à Lara FullCamp pour son temps et ses réponses. Vous pouvez la suivre sur Instagram pour découvrir son travail et ses projets. J’ai hâte que tout cela soit terminé et de pouvoir aller l’applaudir sur scène.

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