Abyce : La Drag du peuple

Abyce, Drag d’Amiens est je pense la plus jeune Drag a être invité sur le site jusqu’à présent. Celle-ci a débuté le Drag à 17 ans et elle nous raconte son parcours.

Ses débuts, ses premières scènes, son personnage. Découvrez ses réponses ci-dessous.

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Pour commencer, peux-tu nous dire comment tu as découvert l’art du Drag ?

J’ai découvert l’art du Drag lors du covid. Les lycées venaient de fermer, et j’ai choisi de prendre ce temps pour me renseigner sur l’histoire queer et LGBTQIA+ en général. J’ai regardé beaucoup de films, lu des livres. Puis un jour, sur Youtube, je suis tombé sur une compilation des moments de Rupaul dans son émission où il dit « Bring back my girls ».

J’avais des avis assez négatifs sur le Drag, je trouvais que cela faisait une mauvaise image à la communauté. Je pensais ne pas aimer ces gens qui en faisaient « trop ». Mais finalement, je les enviais plus qu’autres choses. J’ai donc regardé quelques épisodes, puis quelques saisons, avant de commencer moi-même avec du make-up à petit prix, dans ma chambre en cachette.

Une personne ou un événement t’ont aidé ou persuadé de franchir le pas et de faire du drag toi-même ?

J’ai grandi dans une petite ville où les personnes queers, en tout cas celles qui l’assumaient, pouvaient se compter sur les doigts d’une main. Parmi elles, j’avais un ami très proche avec qui je regardais et débriefais tous les épisodes de Rupaul’s Drag Race. On a décidé de se lancer ensemble, mais lui a arrêté vite, et moi j’ai poursuivi mon chemin.

Au-delà de tout ça, je pense que le Drag est arrivé à un moment de ma vie où j’en avais réellement besoin. J’ai toujours été assez réservé, j’ai grandi en étant gros et gay, et ce n’était pas tous les jours simple d’être « moi ». Lorsque je me maquillais le soir, je pouvais dire au revoir à toute cette honte que je ressentais par rapport à ma propre personne, pour en devenir une autre beaucoup plus forte.

Je dirais donc que oui, certaines personnes m’y ont amené, mais au final, c’est surtout moi qui me suis dit « voilà ce que je veux faire de ma vie ». C’est apparu comme une évidence.

As-tu une anecdote ou un souvenir particulier de ta toute première fois en Drag ?

J’habitais dans un HLM avec mon père et ma belle-mère lorsque j’ai commencé à me maquiller, j’avais 17 ans. Ma chambre n’avait pas de verrou, et je ne devais pas allumer la lumière, car mon père m’aurait crié dessus. Alors j’ai réalisé mes premiers make-up au flash de téléphone, avec la peur qu’à tout moment mon père puisse débarquer.

Pour éviter qu’il ne remarque quoi que ce soit, je me « démaquillais » dans ma chambre à l’aide de bouteille d’eau cristalline. Je vous laisse imaginer le résultat. Il n’y avait que la moitié d’enlevé, mais pour moi c’était assez, et je ne me suis jamais fait remarquer. Quand j’y repense, je me revois rêver un jour d’être sur une scène avec des gens criant devant mes performances. Et aujourd’hui j’ai réussi. Cela me provoque énormément de fierté.

Abyce dragqueens.fr

Comment pourrais-tu présenter Abyce aux lecteurs ?

Abyce, c’est une DragQueen qui peut prendre d’autres formes de Drag, mais c’est assez rare. Elle est extrêmement provocante, que ce soit par la sensualité, la loufoquerie ou l’horreur. Elle aime choquer.

J’aime aussi la définir comme la « Queen du peuple », celle qui a envie d’être entendu, mais celle qui a aussi envie d’entendre. Elle aime autant passer des messages qu’écouter ceux des autres, et en particulier ceux des personnes Queers.

Au niveau des performances, elle performe la comédie, le strip-tease ou les deux mélangés. Grosso modo, Abyce est une guerrière succube sortie des lacs d’Europe de l’Est pour choquer le monde, et l’éduquer.

Est-ce qu’elle te ressemble dans la vie civile ou pas ?

Pour le coup, il n’y a absolument aucune ressemblance entre mon personnage Drag et moi en civil. Que ce soit au niveau mental ou physique.  Vraiment tout est différent, que ce soit dans l’attitude, la posture, les gestes et même la voix !

Je passe d’un petit twink blond timide, à une grande amazone à la chevelure souvent foncé, très dénudée et bruyante. Cela m’arrive souvent que des personnes m’ayant vu en Drag ne me reconnaisse pas lorsqu’ils me croisent en civil. Il faut dire que j’aime exagérer les traits de mon maquillage lorsque je suis en Drag. Je suppose que ça n’aide pas.

Pour la faire simple, lorsque je me transforme en Abyce, Damien n’existe plus et vice-versa. Ce sont deux identités complètement différentes, se partageant le même corps.

Ton pseudo a-t-il une origine ou une histoire ?

Mon nom fait bien sûre référence aux profondeurs des océans, les abysses. Depuis petit, je suis très intrigué par les océans, les poissons, les sirènes, la mythologie. Et mon intérêt pour ce monde n’a cessé d’augmenter au fil du temps ! Intrigué oui, mais aussi apeuré par tout ce monde que personne ne connaît.

Je suis passé par quelques autres noms questionnables, avant de finalement le trouver lui. Celui qui paraissait comme une évidence. Je pense que mon personnage Drag sort des abysses de mon esprit. C’est pourquoi le nom s’est imposé à moi comme un choix logique.

Abyce dragqueens.fr

Tu as débuté mineur et tu es encore très jeune, comment à réagit ton entourage quand tu as débuté ?

Mes amis ont très bien accepté que je fasse du Drag. J’ai toujours réussi à m’entourer de personnes Safe qui soutenaient cette partie-là de ma vie. J’ai régulièrement des amis qui viennent me voir à mes shows, font les déplacements avec moi. Ce sont mes plus grands fans.

Concernant ma famille, ça a été un peu plus compliqué. Je suis issu d’un milieu campagnard, où déjà être gay c’est compliqué. Mais alors être Dragqueen, c’était quelque chose qu’on ne voyait qu’à la télé, et encore !

Je n’ai plus vraiment de contact avec mes parents, cependant je suis très proche de mes frères et sœurs, tous plus grands que moi. Certains ont accepté dès le début, d’autres ont eu du mal, mais essayent de comprendre et s’éduquent. Et un de mes frères a arrêté de me parler.

Pour moi ce n’est pas un problème, mon plus grand rêve a toujours été d’être libre. Si le prix de la liberté est d’être seul, alors je suis prêt à le payer.

Tu as déjà eu l’occasion de faire plusieurs scènes, quel souvenir en gardes-tu ? Que ressens-tu quand tu performes ?

J’en garde un souvenir indélébile, très cher à mon cœur. Chaque scène qui m’a accueilli restera marquée dans mon cœur à tout jamais.

Quand je performe, je parle. Mes gestes, les chansons que je choisis, le sens que j’y apporte, c’est ma méthode ultime d’expression. Jamais je ne pourrai être plus clair avec ce que je ressens que quand je performe sur une scène.

Souvent je choisis mes chansons très tard, quelques jours avant le show, car je veux performer ce que je ressens sur le moment. C’est ce qui rend ce moment intense. Ça m’a également permis de rencontrer des personnes incroyables dans le public, à qui mon histoire fait écho, et qui me soutiennent depuis ces scènes.

Globalement je suis très fier du parcours scénique que j’ai parcouru jusqu’ici. Mais j’ai aussi hâte de grandir, d’apprendre, et de surprendre encore sur les planchers !

Abyce est une dragqueen d’Amiens, est-ce qu’il y a déjà une petite (ou grande) scène locale ?

On va dire que, désormais, il y a une petite dizaine d’artistes Drags (Kings et Queens) présents à Amiens, mais c’est très récent. Il y a deux Queens, qu’on peut considérer comme les pionnières, puis une toute nouvelle génération d’artistes née notamment après l’essor de Rupaul’s Drag Race. Et plus récemment de Drag Race France.

Ça me fait super chaud au cœur de voir que le Drag commence enfin à prendre de la place à Amiens. Je me suis senti seule pendant longtemps, désormais j’ai deux filles. Je suis assez proche de toutes les drags Amiénoises, c’est très chaleureux.

Et il y a des endroits qui jouent le jeu pour accueillir des shows Drags ?

On a un bar LGBTQIA+ à Amiens qui accueille les shows Drags. Il y en a 1 environ tous les deux mois. Récemment, quelques restaurants ont aussi joué le jeu afin d’en faire performer quelques-unes d’entre nous. Ce n’est qu’une question de temps avant que nous envahissions toutes les scènes Amiénoises !

Abyce dragqueens.fr

Tu es, avec La Janelle, la co-référente du Sidragtion à Amiens, tu peux nous parler de ce que ça représente pour toi ?

Le Sidragtion, c’est une récolte de fond fait par des Drags pour le Sidaction. Cela prend la forme de maraudes, où nous allons récolter de l’argent auprès de personnes dans la rue, à l’aide de boîtes dédiées à cet événement. Nous avons également prévu une soirée de récolte de fond dans notre bar local, afin de marquer l’événement et le finir en beauté.

Ça représente énormément pour moi d’être co-reférente de ce projet, comme expliqué plus haut, Abyce est la Queen du peuple. Ce n’est même pas comme une envie de m’engager, je le ressens comme un devoir.

Pour terminer, comment vois-tu Abyce dans le futur ? Est-ce qu’il y a un but ou un rêve que tu aimerais réaliser grâce à ce « personnage » ?

J’ai déjà atteint beaucoup de mes buts (me trouver belle en Drag, performer, me faire connaître un minimum à Amiens). Désormais je vise plus haut, j’ai envie de conquérir les scènes Parisiennes et de toute la France. Et même pourquoi pas un jour Drag Race ?!

Je ne peux même pas imaginer Abyce dans le futur tellement elle est imprévisible. Tout ce que je sais, c’est que je veux qu’elle reste forte, pour que Damien soit heureux. Je suis persuadé que je réussirai tout ce que je souhaite entreprendre. Jusqu’ici, je n’ai jamais failli parce que je me suis battu, et j’ai toujours gagné. Je le referai, encore et encore.

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Merci encore à Abyce d’avoir répondu à mes questions. Vous pouvez découvrir son travail et la suivre sur son Instragram ici.

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