Agathe de Pawer, la Drag Queen sensible

Agathe de Pawer est mon invitée et représente la ville du Mans. L’occasion de discuter avec elle de son parcours, de la scène Drag locale, ou encore de ses projets.

Découvrez ses réponses ci-dessous.

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Pour commencer, peux-tu nous dire comment tu as découvert cet univers du Drag ?

Bonjouraaaaanh (*se lime les ongles*).

C’était dans un cabaret music-hall en Espagne en 2005. J’étais super intrigué et intimidé. Je me souviens que mes parents s’étaient même renseignés pour savoir comment faire carrière dans ce milieu. Mes parents savaient avant moi que je serai DragQueen).

Ce n’est que 10 ans après que je découvre RuPaul en tombant, par hasard, sur la vidéo promotionnelle de la saison 4 de la RuPaul’s Drag Race. Comme tout le monde, j’ai suivi religieusement toutes les saisons. S’en sont suivies les éditions britanniques et hollandaises.

Qu’est-ce qui t’a plu dans cet art ?

L’esthétique avant tout. C’est même très challengeant de se dire que les faux cils et la perruque ne suffisent pas. C’est toute une posture qui est travaillée. D’ailleurs, ce fossé entre le « soi » et le personnage qu’on crée est quelque chose qui m’a toujours intrigué. Sûrement ma facette schizophrène qui ressort…

Au-delà de l’aspect esthétique et visuel, c’est le fait de s’affranchir qui m’a conquis : s’affranchir à la fois de soi-même, des autres, des codes. C’est une forme d’empowerment et de jeu avec les genres que j’ai toujours aimé.

Pour terminer, le Drag me plaît car j’aime l’art depuis ma naissance. L’art a cette faculté d’exister dans l’œil de celui qui le contemple, et cette libre interprétation du spectateur est une finalité immuable.

agathe de pawer interview dragqueens.fr

D’aimer à oser franchir le pas, il y a beaucoup, a quelle occasion as-tu fait du Drag pour la première fois ?

Je ne vais vraiment pas être original, mais comme beaucoup j’ai franchi le pas lors d’une soirée Halloween. J’étais dégueulasse, une sorte de sorcière en guêpière avec la tête d’un nain de Blanche-neige (je vous laisse imaginer la bestiole dans votre tête). En 2014, je décide de mettre en pause le Drag pour me consacrer davantage à mes études et les finir.

Je reviendrai sur une scène qu’en septembre 2018, dans la ville où je vis actuellement, avec un nouveau nom et un nouveau fil rouge dans mon identité de Drag. Désireux de couper le lien que j’avais avec mon précédent personnage qui ne me convenait plus.

Tu as un souvenir particulier ?

Pour ma première fois, je me souviens juste d’être moche en fait.

Mais en 6 ans et demi de Drag, j’ai vécu des événements marquants… Que ce soit gagner mon premier concours Drag dans la boîte du coin (oui, je suis vaniteuse), avoir co-créé ma sœur Saturne Paron et ma fille Pomme Duchesse, danser avec Ysa Ferrer sur une scène, et bien d’autres.

Que t’apportes le fait d’être dans la peau d’un personnage que tu as créé ? Ou est-ce Agathe qui t’apportes quelque chose ?

Un jour, l’une des plus vieilles Drags de France m’a dit « tu verras, être Drag est une thérapie : tu le fais pour régler un problème inconscient que tu as en tant qu’homme ». J’ai mis du temps à assimiler cette idée, mais je reconnais avec le recul qu’Agathe De Pawer a permis à l’homme que je suis tous les jours d’exorciser de vieux démons.

Au-delà d’exprimer ma sensibilité pour les arts, c’est aussi un divertissement et une thérapie à demi-mot.

agathe de pawer interview dragqueens.fr

Tu vis au Mans, est-ce que la scène Drag est bien représentée dans ta ville ou la région ?

Au Mans la scène Drag reste timide. On doit être 3 ou 4 Drags, alors que nous sommes une métropole de 200 000 habitants. Mais c’est en corrélation avec un milieu LGBT plutôt concentrique. Cependant, avant l’épisode Covid, il y a eu de nombreuses initiatives au Heaven’s Café durant lesquelles j’étais host. J’ai trouvé de nouveaux terrains de jeu comme le Septante-Deux où j’anime des bingos dominicaux.

S’agissant de la région je sais qu’il existe des initiatives à Tours, mais aussi à Angers avec « Les Intrigant(e)s » qui réunit des passionnés de cabaret (Ratchet nous en parle très bien dans son interview ici). J’ai entendu parler de plusieurs événements aussi à Nantes, comme les « Divine and The Queens » qui édulcorent les soirées nantaises en apportant une visibilité supplémentaire à la culture Drag.

Tu peux nous parler un peu de tes bingos ?

Au Mans, vous ne pourrez pas passer à côté de mon bingo Drag. Les gens font parfois 2 heures de route pour venir me voir ! L’idée est d’importer ce qui existe déjà au Folie’s à Paris avec Minima Gesté. Vous pourrez donc me retrouver avec ma sœur Saturne Paron, car elle aussi adore jouer avec des boules. Espérons que le Covid dégage rapidos qu’on puisse faire chauffer le boulier !

Penses-tu qu’avec le succès mondial de RuPaul, le regard sur les Drags change un peu dans les villes de province ?

Oui et non.

Le regard a changé car l’émission a popularisé l’art du Drag, et tant mieux : le drag n’est plus avoir une plume dans le derrière. En revanche, ce qui est terrible, c’est qu’une partie des personnes (pour ne pas dire beaucoup) ne résumeront le Drag qu’à l’émission de RuPaul. C’est comme dire que le croissant résume le métier de boulanger, c’est un non-sens total. Le Drag, même s’il ne portait pas ce nom jadis, existe depuis le théâtre antique. Les gens ont tendance à l’oublier en se disant « Ouais mais c’est une mode grâce à RuPaul, gna gna gna… »

Le public devient en revanche plus averti, plus sensible, et a moins tendance à penser qu’une DragQueen est automatiquement un homme en quête de féminisation. La dimension artistique ou divertissante prend davantage le dessus.

Pour ce qui est de la province, plus particulièrement en milieu rural (et parce que je l’ai vécu dans un routier en pleine cambrousse), quand les gens voient des Drags, ils se croient chez Michou. Et ils font VRAIMENT la fête, sans trop se poser de questions sur l’homme qui se cache sous l’artifice.

Du point de vue des responsables d’établissement, à mon sens, du chemin a été fait et les demandes deviennent de plus en plus variées, heureusement. D’expérience, les établissements non-LGBT s’ouvrent de plus en plus au Drag.

agathe de pawer interview dragqueens.fr

Quels sont les endroits dans lesquels on peut croiser Agathe si on veut discuter avec elle ?

Vous me croiserez surtout au Septante-Deux au Mans, où j’y anime les bingos. Mais depuis que le Covid s’est installé, vous me trouverez davantage sur Instagram et TikTok depuis peu. Une fois toute la populace vaccinée, vous n’êtes pas à l’abri de me croiser dans les marches des fiertés des Pays de la Loire.

Pour terminer est-ce que Agathe de Pawer a des projets qu’elle aimerait évoquer ?

Mon cerveau bouillonne constamment de projets : court-métrage, partenariats associatifs et Drag master-class sont à l’étude. Affaires à suivre 😉

Merci Patsy pour ton invitation, et merci de permettre à toutes les Drags, quelles qu’elles soient, de prendre la parole.

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Merci à Agathe de Pawer pour son temps et ses réponses très construites et détaillées. N’hésitez pas à la suivre sur Instagram pour connaître ses futurs projets et découvrir son travail en tant que Drag Queen.

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