L’artiste invité : Julien Dufresne-Lamy
Julien Dufresne Lamy est un auteur dont le nouveau roman publié chez Belfond, Mon père, ma mère, mes tremblements de terre vient de sortir en librairie.
Et comme Julien est une personne très sympathique, il a accepté pour moi de répondre à des questions sur son roman précédent, Jolis, Jolis, Monstres qui se déroulait dans l’univers du Drag. Je le remercie donc encore d’avoir accepté cela et surtout aussi facilement et rapidement.
J’espère que cela vous donnera envie de découvrir ce livre ainsi que les précédents ou le nouveau tout chaud chez vos libraires.
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Pour débuter, pouvez-vous nous dire comment est arrivée cette idée du « thème » des Drag Queen pour votre 4e roman Jolis Jolis Monstres ? Quel était votre rapport avec cet univers ?
Comme beaucoup, j’ai regardé pendant des années l’émission de Rupaul, en streaming, dans des qualités pourries. Et malgré l’aspect exagérément compétitif de l’émission, j’en aimais sa folie, son cran. Cette possibilité de voir des Drags en tout genre, de tous horizons, fortes d’histoires, de trajectoires, d’existences qui ne ressemblaient à rien ni personne sur une grille de chaîne américaine. J’ai toujours aimé aussi, lorsque je voyage à Londres ou New-York par exemple, faire des shows Drags, visiter des cabarets, ouvrir les portes de ce monde-là. Ces expériences sont comme des voyages. Et c’est l’idée profonde de ce que j’appelle voyage : aller bien au-delà de ses repères, rencontrer l’autre.
Avez-vous fait beaucoup de recherches ? En avez-vous rencontré pour peaufiner le personnage ou de ne pas commettre d’impair ?
Pour ce roman, j’ai préparé longuement en amont. Faisant des recherches et un travail de documentation riche, précis, concernant à la fois les bars, clubs, cabarets des années 80. L’underground new-yorkais, le circuit Drag et le monde de la ballroom. Pose n’existait pas encore et si peu de références étaient à portée de main, à part le docu Paris is burning ainsi qu’une nouvelle de Cunningham sur la mort d’Angie Xtravaganza. Tout était débrouille, lectures, archives, interviews au hasard et j’aimais ça. C’était à l’image de ce monde en marge que je voulais décrire. J’ai aussi rencontré quelques Drags parisiennes bien sûr, dans l’idée cette fois d’approcher et de sonder l’intime, le rapport au corps, la voix, le maquillage. Tout ce qui relève du côté pratique de la transformation.
Avez-vous déjà eu l’envie d’une transformation ? Avez-vous déjà pensé à ce que pourrait-être votre pseudonyme ?
Je n’ai jamais pensé à faire du Drag. Ces transformations, comme vous dites, je les vis en écrivant. Lorsque j’incarne mes personnages, voyou, génie, dealer, mère de famille, chorégraphe de danse, adolescent, ou DragQueen. Ces transformations me suffisent et comme celles d’une Drag, elles sont éphémères, imprévisibles. Nécessaires à mon maintien en vie.
Aviez-vous l’idée de faire passer un message avec cet ouvrage et cette histoire drôle et touchante à la fois ?
Il n’y avait pour moi aucun message, aucune visée politique lorsque j’ai débuté l’écriture de ce livre. Mais au fil des pages, s’est imposée la nécessité de me faire politique. De porter la voix de ces femmes, ces hommes opprimés, battus, montrés du doigt pour leurs différences. La littérature n’est qu’une question de ça : porter, incarner, ouvrir la voie à ceux et celles qui font le monde, pour plus d’ouverture, de tolérance, d’acceptation. S’il y a un message, c’est celui-ci. Comprendre l’autre dans son entièreté, son plus grand mystère.
Ce roman a reçu un bon accueil du public. Avez-vous eu des retours de personnes issues de cet art lors de vos rencontres ?
J’ai envoyé mon roman à ces Drags qui m’ont aidé pendant la préparation du livre. Et j’ai rencontré à l’occasion de lectures publiques de nombreuses Drags locales partout en France. Il m’était important d’être lu par ces hommes qui tous les soirs, tous les mois, montent sur scène et créent leur petite magie noire.
Pour finir, vous sortez un nouveau roman intitulé Mon père, ma mère, mes tremblements de terre, dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Mon père, ma mère, mes tremblements de terre sort en effet et je suis étonnamment serein. Malgré le contexte actuel si particulier. Je crois que ces destins de femmes trans et Drags assassinées, si belles, si fortes, celles qui font le vrai de Jolis Jolis Monstres, m’a permis de comprendre ce qu’était foncièrement le courage. Ainsi que la liberté, ou l’audace d’être soi. Je leur dois beaucoup. Et fort de cette audace-là, j’ai eu envie d’écrire sur un père trans. Sur une belle histoire de famille, sur ces tremblements de terre vécus par un ado de quinze ans qui attend dans une salle d’attente d’hôpital ce père-là, différent, hors-normes, unique. L’unicité fera toujours la beauté de notre monde et j’y crois. D’où mon espoir et mon apparente sérénité pour la sortie, de toute manière, nous verrons bien.
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En dernier lieu, je remercie personnellement Julien Dufresne-Lamy d’avoir accepté de nous parler de Jolis, Jolis Monstres. Et de m’avoir accordé sa confiance pour être sur mon site. Je lui souhaite évidemment beaucoup de succès avec Mon père, ma mère, mes tremblements de terre.
Envie d’une autre interview d’auteur ? Découvrez celle d’Anne-Sophie Girard pour La mère parfaite est une connasse ici. Vous aimez le site ? N’hésitez pas à laisser un petit mot dans le livre d’or ou à faire un petit don en cliquant ici.