Klamydia Von Karma, la drag bienveillante

Klamydia Von Karma est une drag française expatriée en Suède. L’occasion dans cette interview de parler avec elle de son parcours et de son travail, ainsi que de la scène Drag dans son pays.

Un entretien avec des réponses très intéressantes et qui montre encore une autre facette du Drag.

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Pour commencer, peux-tu revenir un peu sur comment tu as découvert l’art du Drag au début ?

J’ai découvert l’art du drag en 2011, comme plusieurs artistes, grâce à Ultima Récital avec Marianne James jouant le rôle de Ulrika Von Glott. Ce spectacle avait réveillé en moi une extension de ma créativité, avec les costumes plus excentriques au fil du show, un maquillage très expressif, et une maîtrise extravagante et explosive de la scène !

Après, j’ai aussi découvert le drag à partir des parodies loufoques sur YouTube de Sherry Vine, une drag-queen de NY avec un humour décalé à manger sans faim. Puis j’ai progressivement voyagé dans le monde du Drag NY, virtuellement, avec Chichi La Rue, Drag-queen et productrice de porno (super campy !! que j’adore). Puis Lady Bunny, jusqu’à Rupaul où j’ai découvert le monde de Rupaul’s Drag Race. Je me souviens être dans ma chambre universitaire à regarder via des plateformes de streaming super douteux la dernière saison de Rupaul’s Drag Race, qui était à l’époque la saison 4… Et c’est de là que j’ai commencé à me plonger dans le monde du drag.

Une personne ou un événement t’ont aidé ou persuadé de franchir le pas et de faire du drag toi-même ?

C’est en 2016 que je vois une drag-queen en vrai ! Rien de numérique, pas de pixel ! Dans le Marais pendant une nuit et c’était magique ! Et de là, je me suis lancé ! J’ai commencé à me maquiller en utilisant de l’aquarelle et à faire des robes avec des sacs-poubelles ! Mon premier look était rudimentaire, mais symboliquement important. Car cela m’avait permis de mettre un premier pas dans cet incroyable monde !

À l’époque, ce n’était pas très mainstream l’art du drag. Car toujours associé à des définitions soit très péjoratives, ou confondu à d’autres choses. Donc j’ai commencé seul chez moi, dans ma chambre universitaire. Et j’ai par la suite partagé mes looks à mes meilleurs potes qui m’ont encouragé, et qui m’ont accompagné dans l’exploration ! Et un été, j’ai partagé des photos avec ma mère et ma tante qui ont adoré, et m’ont aussi encouragé !

klamydia dragqueens.fr

De quelle manière as-tu appris à te maquiller ?

J’ai appris le drag make-up principalement grâce à Skarlet Starlet vidéos on YouTube, et autres tutoriels de Drag race drag-queens. Mon make-up a été un processus entre expérimentation et liberté, de manière très autodidacte ! Mon début dans le make-up a été similaire à mes débuts pour la peinture, explorer, s’amuser, affiner.

As-tu une anecdote ou un souvenir particulier de ta toute première fois en Drag ? En privé ou en public.

Ma première soirée en drag était lors d’une fête d’Halloween avec ma promo de mon master de biologie végétale en 2016 ! Avec mes potes, nous avions reçu une invitation pour cette soirée et avions préparés nos costumes ! Je me souviens avoir préparé une énorme robe en sac-poubelle pendant plusieurs nuits. Mon appartement sentait le plastique industriel ! Une fois prêts, nous allons à l’événement et réalisons que personne n’était déguisé. Mais cela ne nous a pas arrêtés ! Je me souviens descendre les marches avec cette robe, mes talons de la redoute, mon maquillage fait à partir de crayon aquarelle. Et tout le monde était émerveillé ! C’est à ce moment que j’ai compris que le drag n’était pas une question de possession, mais d’audace ! L’audace d’être quelqu’un d’autre ! Le courage de changer de genre !

Comment pourrais-tu présenter Klamydia Von Karma aux lecteurs ?

C’est peut-être une définition étrange mais, Klamydia von Karma correspond à la rencontre entre ma mélancolie, mon extravagance, et ma confusion concernant la société. Klamydia est aussi le résultat d’une exploration du tabou, tel que le sexe et être queer. Le premier contact face à Klamydia peut être intimidant, avec les habits noirs et un make-up sombre. Mais en parlant, le public se rend compte que Klamydia n’est que bienveillance ! Mon drag n’est pas basé dans cette mode à être « bitchy », mais plus dans l’importance de créer un environnement sécurisé et de confort pour la communauté queer/underground.

Un autre tabou de cette société, que j’essaye d’abolir dans mes performances, c’est ce culte au positivisme. Dans une société dominée par l’ultra positivisme, Klamydia est la drag-queen qui veut montrer que la positivité n’est pas une obligation dans le monde. Mais une récompense lorsque nous sommes honnêtes face à des sentiments négatifs.

Klamydia est aussi une créature queer qui essaye de détruire les règles du genre et ce patriarcat/masculinité toxique. J’essaye de le faire par mes performances, mais je le fais plus en interagissant avec le public, en parlant et en répondant à des questions.

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@Gesa Hoffmann

Est-ce qu’elle te ressemble dans la vie civile ou pas ?

Je dirais que Klamydia et moi avons cette bienveillance et ce côté solaire en commun. Je suis bien plus timide sentimentalement avec des difficultés à m’ouvrir, alors que Klamydia est bien plus ouverte et honnête sur ces sentiments !

Ton pseudo a-t-il une origine ou une histoire ?

J’ai démarré avec Von Karma, car c’était une ode à Von Glott de Ultima Récital, a un procureur iconique du jeu vidéo Phoenix Wright, et car j’adore le concept du Karma !

Puis, j’ai hésité entre Kamelia, qui est ma plante préférée, et Klamydia mon IST préférée !

En demandant à ma mère, elle a eu une réaction viscérale de dégoût au nom Klamydia, donc j’ai choisi celui-ci ! J’aime le nom Klamydia, car c’est une maladie qui est souvent associée négativement aux excès de la nuit, a la perversité, et a d’autres tabous… Des Koalas meurent à cause de cette IST, et ils ne vont pas en boîte ou font de gang bang… Enfin peut être 😉

Tu as des looks très divers. Est-ce qu’il y a un style en particulier que tu aimes porter en photo ou présenter sur scène ?

J’aime faire des looks très gothique, ou inspirés de la Commedia Del Arte, très sombre et graphique ! J’aime dessiner mes émotions sur mon visage, dessinant des sourcils froncés, en ajoutant un petit sourire sur mes lèvres, ou une larme. C’est cette rencontre entre la théâtralité, et le côté goth/sexe/underground que j’adore !

Pour mon style, on est toujours sur du noir. C’est une couleur que j’adore par sa polyvalence ! Chic, triste, fatal, powerful, mystique, drôle ! J’adore le violet et les couleurs argentées aussi ! Un bon petit reveal aussi pour surprendre. Et quelques fois je prends Gérard, mon godemichet de 35cm et 5cm de largeur… Ça détend la foule haha.

Est-ce qu’il y a une « pâte » Klamydia pendant tes prestations ? Quelque chose qui fait qu’on sait que c’est toi.

Une prestation de Klamydia Von Karma correspond à une tante après trop de champagne ! La festivité excentrique, avec cette amour et une joie, ou l’honnête dans la tristesse, qui montre une vulnérabilité cachée enfin révélée aux grands jours. Rendant le moment toujours joyeux. La pâte de Klamydia, ce sont définitivement les émotions !

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@Nemi Pelgrom

Tu es un drag qui vit et se produit en Suède, comment est la scène Drag dans ce pays ? Et comment cela est vu de faire du drag ?

La scène Drag en Suède est très diverse ! Malmö, Gothenburg, Stockholm ont des drags avec différents styles ! Chiwi, Ceviche de Chocho, Brenda Mandlar, Tina Fisk, Panica Tax, Zizi Buffet, Eden Lost, Pom-Pom Grenade, Jafar the SuperStar, Imaa Queen, ButcherQueen etc !!

Ça va de Drag King à Drag-queen, en passant par les Drag-queer et Klubkid ! La scène suédoise est très diverse et intègre des éléments, soit de oldschool drag, d’avant-gardisme ou d’activisme. Ce que j’apprécie énormément. De plus, la Suède est un très bon cadre pour faire du drag car je me sens plus en sécurité par rapport à la France. Ici, les gens vont juste regarder du coin de l’œil, sans faire de commentaire.

Le drag est, je pense, très bien vu, mais un des principaux facteurs, doit être l’arrivée de Rupaul’s Drag Race !

Est-ce qu’il y a de nombreux endroits pour se produire en tant que drag ?

Je ne connais que la scène Drag de Stockholm et d’Uppsala. Il y a plusieurs scènes Drags présentent à Stockholm, telle que Nalen avec la Tuck O Hej, organisée par Ceviche de Chocho et Brenda Manlar, une scène très inclusive pour tout type de Drag. Patricia qui offre une scène très classique du Drag. Et d’autres clubs tels que le Melt Bar qui offre une scène plus Burlesque avec certain.e drags comme Zizi Buffet ou Eden Lost. Il y a aussi des événements plus underground où nous pouvons voir une scène Klubkid importante.

Dans la ville d’Uppsala, qui est la quatrième plus grande ville de Suède, hélas, la scène Drag est très faible. Mais avec Begum Serra (Amanita Borealis) et des ami.es, nous avons un groupe appelé « The queerest », ou nous organisons des drags shows dans une maison de la culture underground queer friendly appelée Femman. Ça va faire 4 ans que nous faisons des drags shows, et où je performe et anime ! Maintenant, la scène drag commence graduellement à grandir dans la ville d’Uppsala, avec des organisations comme Club Cloud 9 qui ajoute des drags shows !

Pour finir, comment vois-tu évoluer Klamydia Von Karma dans le futur ? Est-ce qu’il y a un but ou un rêve que tu aimerais réaliser grâce à ce « personnage » ?

Le futur de Klamydia sera de continuer à créer et de polir ce personnage. Jusqu’à pouvoir pleinement communiquer avec le public, d’un cœur à un autre. Synchroniser les palpitations, et faire vibrer nos émotions.

Je dirais que Klamydia n’a pas de rêve, car elle vit déjà son rêve ! Le rêve qui est d’exister, de performer et de faire rire, sourire, vivre le public. Je n’ai pas de grandes ambitions, Klamydia continue à faire son chemin et à aller là où le vent l’amènera.

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Merci encore à Klamydia Von Karma d’avoir accepté mon invitation pour cette interview. N’hésitez pas à la suivre sur Instragram ici pour découvrir un peu plus son travail et ses projets.

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