L’artiste invité : l’auteur Gilles Paris

J’ai le plaisir de le connaître un peu depuis quelques années maintenant, Gilles Paris est mon invité aujourd’hui.

L’auteur à succès (Autobiographie d’une Courgette, L’été des Lucioles ou encore Le vertige des falaises) vient de publier chez Flammarion son premier récit. Celui-ci est intitulé Certains coeurs lâchent pour trois fois rien et est centré sur les nombreuses dépressions traversées par Gilles.

Pour parler de cette sortie, l’écrivain a accepté mon invitation et j’en suis ravi.

******

 

Pour débuter, petite question traditionnelle aux invités. Quel est ton rapport avec l’univers Drag ?

Il est étonnamment quasi inexistant pour le noctambule que j’ai été jusqu’à mes quarante ans. J’ai croisé parfois des Drag Queens chez Carmen à des heures plutôt matinales, ou dans d’autres lieux interlopes de Paris sans vraiment les fréquenter. Des échanges de sourires, quelques mots, et le tourbillon de la nuit a repris. C’est en découvrant la fabuleuse série AJ and the Queen créée par RuPaul Charles et Michael Patrick King (2020) que j’ai compris à quel point la drôlerie peut côtoyer la plus grande des solitudes. Je n’ai pas de regrets dans la vie (elle passe trop vite). Si ce n’est, peut-être, d’avoir pris davantage de temps pour mieux connaître les rares Drag Queens croisées dans mes nuits de jeune homme un peu débauché.

On se parle aujourd’hui pour la sortie de ton nouveau livre Certains cœurs lâchent pour trois fois rien. C’est un livre très personnel. Comment étais-tu avant la sortie ?

Avant la parution de ce premier récit, je m’étais préparé à tout : à un confinement supplémentaire, à la fermeture des librairies, à l’indifférence des médias, et même des lecteurs sur un texte plus personnel. Rien de tout cela n’a eu lieu. Nos pires cauchemars sont souvent des rêves qui se réalisent bien autrement. Les librairies ont obtenu le label essentiel au journal officiel. J’ai enchaîné les entretiens et reçu de nombreux témoignages d’inconnus à qui, visiblement, le livre a fait du bien. Quant au confinement, c’est celui d’aujourd’hui plutôt light, non ?

Gilles PAris Dragqueens.fr interview Gilles Paris by Didier-Gaillard-Hohlweg

Ce livre parle de tes huit dépressions. À quel moment tu as su que tu avais envie d’écrire sur ce sujet ?

En fait, j’avais besoin de recul et d’un coup de pouce. Ma dernière dépression remonte à 2017, il était temps de m’y mettre. Une éditrice chez Flammarion, Véronique de Bure, m’a contacté suite à un article qui évoquait sans détailler ces zones d’ombre dans ma vie. On en a longuement discuté ensemble. Je n’avais plus qu’à me positionner face à l’ordinateur.

Était-ce pour toi une sorte de thérapie de plus ? Une envie de partager l’autre côté de la vie de l’auteur à succès ?

Non, l’écriture n’est pas une thérapie pour moi. Elle est même tout le contraire. Elle m’apporte à chaque instant le bonheur, la paix, la quiétude. La thérapie, je l’ai faite avec un psychanalyste (le bon docteur M. comme je le nomme dans le livre), et j’ai vraiment dégusté. L’écriture c’est tout l’opposé. Je ne peux le faire que quand tout va, sinon ce que j’écris est stérile. C’est ma joie profonde quotidienne. Ce livre donne beaucoup de clés concernant tous mes livres. Pour ceux qui aiment me lire, cela leur donnera peut-être l’envie de relire mes livres autrement. Pour ceux qui me découvrent je les prends en quelque sorte par la main.

À la lecture, se livre se dévore d’une traite. Est-ce que l’écriture s’est faite si facilement ? As-tu eu beaucoup de phrases de réécriture ? D’ajouts ? De censure peut-être ?

Le livre a été énormément retravaillé avec mon éditrice durant deux ans. Aucune censure, si ce n’est un passage que ma sœur m’a demandé de retirer la concernant, ce que j’ai fait. Le texte a été terminé en 2019 dans une première version assez complète. Puis il y a eu le décès de ma mère du Covid en avril dernier, et l’hospitalisation de longue durée pour mon père en août. J’ai donc ajouté ces deux chapitres et peaufiné encore une fois ce livre pour le rendre fluide à la lecture. Je ne compte pas le nombre de fois que je l’ai relu. J’imagine plus d’une centaine de fois.

Ce livre a beaucoup raisonné en moi sur certains points. J’imagine que tu as de nombreux retours de personne qui te disent la même chose ?

Si deux dépressions ne se ressemblent pas (ni les miennes, ni une, comparée à quelqu’un d’autres), il y a toutefois de nombreuses passerelles, et tous ceux qui ont connu un épisode dépressif risquent de s’y reconnaître. Je ne suis pas médecin, je me garderais bien de donner des conseils. Mais un avis oui. Ce que je fais régulièrement, à bon escient, en écoutant bien ceux qui viennent vers moi. Si le nœud est trop inextricable, j’ai plutôt tendance à diriger vers un médecin. C’est le premier pas vers la guérison.

Gilles paris interview Dragqueens.fr Gilles Paris by Didier-Gaillard-Hohlweg

Tu as toujours partagé ta vie et ton quotidien sur les réseaux sociaux, et là dans ce livre. Est-ce que parfois des gens de ton entourage ou de la profession te disent que tu vas trop loin ou d’en garder un peu pour toi ?

Je suis sûr que ça dérange certaines personnes. Mais en vérité je ne dis pas tout de moi et je montre ce que je veux bien partager. Ce qui doit se résumer à un quart à peine de mon quotidien. Longtemps, je ne me suis pas aimé. Aujourd’hui, je me montre, je m’affiche, et ceux qui m’aiment me suivent. Les autres, pour être honnête, je m’en fiche royalement.

Que doit faire pour toi en premier une personne qui ne sait pas si elle est triste, fatigué, ou en dépression ?

Être fatigué, un peu triste, est un état passager. La dépression est une maladie. Elle nécessite des soins, antidépresseurs, anxiolytiques, parfois des somnifères, un temps de parole auprès d’un spécialiste, psychologue, psychanalyste, psychiatre, et souvent une longue traversée du tunnel avant de retrouver la lumière. Quand on est juste un peu triste, l’appel d’un ami peut tout arranger. Quant à la fatigue, il suffit de bien dormir la nuit suivante pour tout réparer.

Pour finir sur une note plus « légère », Autobiographie d’une courgette n’en finit plus d’être décliné avec l’adaptation en BD prévue en avril. Peux-tu nous en dire quelques mots ?

Oui, la BD va paraitre le 29 avril, chez Philéas, une filiale du groupe Editis. Les dessins de Camille K. sont magnifiques, avec des couleurs inattendues et surprenantes, et des pleines pages du plus bel effet. Ingrid Chabbert en a assuré le scénario, et est restée très fidèle à mon deuxième roman. Elle prend aussi des libertés, ce qui lui va bien, et ne détonne nullement dans le récit. Une merveille dont je suis particulièrement fier. La Courgette restera mon trèfle à quatre feuilles. Prochaine escale, une comédie musicale pour enfants et parents. Je vais bientôt m’y atteler.

*****

 

Merci encore à Gilles Paris pour sa disponibilité et sa présence sans faille dans mes projets. Je vous invite à vous procurer ce nouveau livre Certains coeurs lâchent pour trois fois rien, et à vite dévorer ses autres romans si vous ne connaissez pas encore.

Découvrez d’autres interview d’auteurs avec notamment Anne-Sophie Girard (Le mère parfaite est une connasse) ou encore Julien Dufresne-Lamy (Jolis jolis monstres).

Gilles PAris interview draguqqnes.fr

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *